Les ordres étaient clairs : trouver le meurtrier de Setryne, et s'assurer qu'il ne parle pas. Mais pourquoi on ne lui avait pas simplement donné le nom du meurtrier ?! Il aurait au moins pu aller enquêter du côté du vivant plutôt que du côté du mort. Non, c'était trop demander à ses supérieurs. À moins qu'ils ne se soient faits bernés, ce qui signifierait que le gouvernement était dans de beaux draps. Meurtre de Nation et Démocratie qui servirait à mettre de l'huile sur le feu entre l'État souverain et le réseau Children ? Il approfondirait cette idée un autre jour.

Pour l'instant, il avait du pain sur la planche. Cheveux en place, tenue décontractée et arme glissée à la ceinture, il se rendit chez Setryne aussitôt que les ordres de son supérieur lui parvinrent. Même pas drôle, lui qui avait tant envie de faire un tour dans le ghetto. Voilà qu'il allait perdre son temps à fouiller les vestiges de la vie d'un vieillard – à moins de trente ans, tout ce qui dépasse les 45 ans, c'est vieux hein – au lieu de courir après des terroristes. Travail ingrat.

Enfin, il trouverait peut-être des informations importantes pour N&D grâce à ça. Sa journée n'était pas totalement perdue. C'est pour ça qu'il avait tout de suite couru chez le mort : il tenait à être le premier sur place pour être certain d'avoir entre les mains les documents compromettants dont on lui avait parlé, et éventuellement en faire des copies avant de les remettre à son chef.

Il arriva sur les lieux du crime et n'eut aucun mal à passer le barrage de police. Il montra son insigne de la Main Noire et on le laissa passer sans l'épargner d'un long regard soupçonneux. Oui, oui, il marche sur les plates bandes de la police, et il aime ça. L'agent de la Section Spéciale fixa un instant les photos, fleurs et autres à côté de l'immeuble sans retenir un rire ironique. Une bande de vermisseaux qui pensaient que ce genre de gestes avaient une utilité. Le vieux était auprès de Sylvin et de Joséphine désormais, et eux seuls décideraient de ce qu'il deviendrait. Il n'y avait aucune raison d'être triste, encore moins de commémorer cet homme. Un mort, ce n'est plus rien d'autre qu'un souvenir, et ce n'est pas ce genre de gestes qui permettront de le faire durer plus longtemps.

Arthur n'avait pas de temps à perdre avec des idioties, il avait une enquête à mener. Il fit un rapide tour des lieux, et réajustait sa veste lorsqu'un homme d'une trentaine d'années lui passa sous le nez. Son visage ne trahit rien de la surprise qu'il ressentit. Il n'avait pas fait attention à la présence de quiconque lorsqu'il était à l'extérieur, et voilà qu'un civil passait par là. Il ne pouvait pas s'agir d'un collègue puisqu'il connaissait les autres de la Section Spéciale, et que les policiers étaient tous en uniforme.

« Hey, vous ! »

Il s'approcha en même temps qu'il l'interpelait, ne montrant aucun signe d'agressivité. Il voulait juste savoir qui traînait de la sorte près de l'appartement de Setryne, et éventuellement l'interroger s'il était un voisin.

« Bonjour. Excusez-moi mais puis-je savoir ce que vous faites ici ? Il n'est pas prudent de traîner dans le coin en ce moment. »

Il lui lança alors un regard perçant, pas encore méfiant mais certainement inquisiteur.

La question posée par l'agent de la SS n'était qu'une formalité, mais il ne se retint pas de guetter tout signe éventuel d'attitude défensive de la part de son interlocuteur. Après tout, s'il était là comme clandestin, il devrait être sur ses gardes alors que la gêne, il la comprendrait même venant d'un civil quelconque.

Arthur s'enfonça négligemment le petit doigt dans l'oreille droite pendant que l'autre lui répondait, faisant mine de ne prêter aucune attention à sa réponse. Quel air important, en effet. Très élégant qui plus est. Il hoche la tête en signe de compréhension pendant que le quidam lui dit ne pas être fait pour l'agitation – mais quel vieux jeu ce type – avant d'éjecter d'une pichenette une petite boule de cire.

Il fouilla un instant dans les poches de sa veste, laissant sa réponse en suspens, sortit un paquet de chewing gum, en fourra un dans sa bouche avant de finalement daigner concéder un peu de sa personne à cet homme.

« Je suis enquêteur de police. Que voulez-vous, il faut bien qu'on découvre qui a tué ce brave Monsieur Setryne. Avec un peu de chance, on pourra démanteler tout un réseau de deal de drogue... »

Ton décontracté, la langue un peu trop pendue, l'archétype du flic qui n'est là que parce qu'on le lui a ordonné, qui fait son boulot par dessus la jambe, et qui n'attend qu'une chose : la pause beignet. Faut pas croire, il était toujours sur ses gardes même si la réponse était plausible. Pour prouver ses dires, il sortit même de sa poche son ancienne plaque de flic dont il avait fait un double justement pour ce genre de situations.

Il se gratta un instant le menton, faisant mine de réfléchir, avant de reprendre la parole.

« Puisque vous vivez là, vous pourriez p'tète me faire entrer ? Sinon j'dois aller chercher un de mes collègues et ça va me perdre du temps. Ce serait bien aimable de votre part. »

Arthur tentait-il de piéger le pauvre inconnu ? Haha, pas vraiment. C'est juste qu'il devait bel et bien demander à un collègue de rentrer, et que s'il avait avec lui un résident, il n'aurait pas besoin de signaler sa présence aux officiers de police sur place. Tranquille, il pourrait enquêter en toute discrétion.

Maintenant, la question est de savoir comment Marl comptait le faire rentrer puisqu'il prenait lui-même déjà la direction de l'entrée de l'immeuble où résidait Setryne, serein, comme s'il était évident que l'homme qu'il venait de croiser allait accepter du seul fait qu'il était face à un agent de police.

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